Critique Les Menhirs de Glace [1986]

"Je butai sur le premier signe avant coureur de la mutinerie alors que nous approchions de la frange intérieure de la première ceinture d'astéroïdes. Bien sûr, je ne compris pas sur le moment ce que cela signifiait: ce n'était qu'une porte fermée..."
Emma Weil est embarquée sur un vaisseau minéralier interplanétaire où une mutinerie éclate, en réaction contre le Comité, le gouvernement terrestre qui a le contrôle total des autres planètes colonisées, dont Mars. Elle commence à douter de la légitimité, à être séduite par cet acte de rébellion quand elle comprend les raisons de cette mutinerie. Quel sera le choix de Emma ?...
Les menhirs de glace est l'un des premiers romans de Kim Stanley Robinson, auteur américain qui a, plus tard, écrit la célèbre trilogie de Mars (Mars la rouge, Mars la verte et Mars la bleue) récompensée par de nombreux prix et considérée comme l'un des monuments de la hard-science. Or, cet auteur n'est pas seulement un auteur de romans de hard-science pure et dure, puisqu'il met en scène de nombreux personnages. A l'instar de Gregory Benford, les personnages sont au fond les points focaux des histoires qu'il raconte, si bien que le côté technique passe en second lieu.
Les menhirs de glace sont de cette sorte de romans sociaux et surtout politiques avec un background très très crédible. Découpé en trois parties bien distinctes puisqu'il y est fait mention de trois personnages à trois époques différentes. Du fait des progrès scientifiques, la race humaine peut espérer vivre des siècles et des siècles, mais selon toute vraisemblance, si le corps peut endurer le poids des années, il n'en est pas de même pour le cerveau qui ne peut le supporter. Si bien que la mémoire est très aléatoire quant au passé de chaque individu. On se retrouve avec des situations dramatiques où un homme ne se souvient pas avoir passé des années à tel ou tel endroit. C'est ce thème qui m'a le plus intéressé, en plus de la perspective du voyage en dehors de notre système solaire (comme l'avait si bien raconté Alastair Reynolds dans la cité du gouffre).
Ceci étant dit, un gros manque de cohérence apparait entre les trois parties qui n'ont que très peu de rapport l'une avec les deux autres. Un lien ténu existe pour faire figurer ces trois parties dans le même roman: les menhirs de Pluton. Or, on n'apprend l'existence de ceux-ci qu'à partir de la moitié du roman, au milieu d'une partie très inégale et soporiphique. En effet, Kim Stanley Robinson est à la lecture de ce roman très engagé politiquement, et son discours très pénible alourdit considérablement le récit de ce savant complètement à la masse et hors du coup. Ne reste donc que la troisième partie qui tente de réintéresser le lecteur avec les menhirs.
Si l'écriture est déjà de qualité, les idées véhiculées dans ce roman sont pour le moins discutables. A l'instar de la trilogie de Mars.
A vous de juger.