NIFFF 2010 J3 : De la SF - au pluriel - et un film noir
Troisième jour des manifestions cinématographiques Neuchâteloise.

On a bien bougé aujourd’hui à Neuchâtel avec, au programme : d’abord un décollage en Cargo Suisse, suivi d’un trip de SF black or white, un Détour du côté du Québec et on est rentré à la maison via un voyage en métro neurasthénique pas fait pour les chauves !


20h. Alors que l’après-midi fut plutôt calme filmiquement parlant, (entre exploration de la végétation neuchâteloise et chasse aux papillons pour nous, si si !) les projections de Cargo et Transfer se superposent. D’où le mot d’ordre habituel : répartition des tâches ! Richard se charge donc du Cargo Suisse tandis que votre serviteur se réjouit d’aller mater des vieux changer de corps. Hmmm !


Cargo de Ivan Engler et Ralph Etter

Il est typiquement le film que l'on aimerait pouvoir défendre, mais ce dernier reste bien trop imparfait pour que cela soit le cas. D'un côté il y a cet aspect visuel de pure science-fiction, incroyable, prouvant que la science-fiction, même pour un budget ridicule, reste possible et que dans le domaine, avec de l'ingéniosité et un peu de « couilles », ce monde souvent réservé aux américains est désormais accessible, cela même dans un cadre de qualité. Cargo, présenté au Nifff dans le cadre de la rétrospective « l'ombre d'un doute : quand le cinéma Suisse devient fantastique », réussit donc en quelque sorte à ouvrir une porte pour les cinéastes désirant approcher le genre.

Mais le problème de Cargo se situe dans son scénario et sa dimension humaine. Le scénario part dans tous les sens, de même que la réalisation dont les réalisateurs n'ont pas su digérer leurs influences, et en voyant Cargo on visualise du sous Alien, Oultand, 2001, Silent Running...etc. Les séquences semblent s'enchainer sans véritable impression de fluidité ou de continuité, alignant simplement des passages faisant penser à d'autres, cela dans une trame de fond sympathique (la promesse d'un monde meilleur) mais à mille lieu survolée. Puis, avant toute chose, l'émotion ne passe jamais, le spectateur reste spectateur, et peut parfois rire d’une situation censé être dramatique. Cargo reste tout de même un sacré pari, et un film encouragent pour l'avenir.



 

Transfer de Damir Lukacevic

Pour résumer le pitch en deux mots : un couple de très vieux allemands (mais vraiment vieux alors !) s’aime encore passionnément et a peur d’affronter la mort. Une solution s’offre à eux lorsqu’une société de biotechnologie de pointe leur propose un service révolutionnaire : transférer leur âme, psyché, souvenirs et tutti quenti dans le corps de jeunes gens en parfaite santé. Sauf que les nouvelles enveloppes en question sont… noires !

Transfer a été la bonne petite surprise de la journée.

« Surprise » parce que, d’une part personne ne connaissait quoi que ce soit de ce film encore dépourvu de véritable couverture médiatique (aucun trailer disponible notamment), si ce n’est la petitesse de son budget, et d’autre part parce que le métrage séduit immédiatement par l’originalité de son propos et son traitement : à savoir utiliser la science fiction pour servir une pure romance entre vieillards.

« Bonne » surtout, parce que le métrage emballe dès les premières minutes par l’étendue de ses possibilités thématiques (philosophique, sociale, politique, éthique, etc.) et par la promesse de tout un tas d’idées potentielles, que l’on se dit facilement dérivables d’un tel script. Le terreau semble vraiment fertile et le spectateur se prend ainsi immédiatement à envisager, à rêver, une histoire qui ne va pas forcément être le chemin choisi par le réalisateur.

« Petite » aussi donc, parce que toutes les bonnes idées promises et celles auxquelles on est en droit de s’attendre dans un film de SF à tendance philosophique sont rapidement écrasées par les travers un poil pompeux d’un réalisateur qui utilise simplement sa chouette histoire de SF comme un prétexte à surligner son message socio-politique lourdingue et d’un autre âge. Le réalisateur préfère s’attarder sur le discours daté des différences de perception entre les peuples plutôt que sur les différends entre deux individus qui partagent le même corps (la crise identitaire, le mélange des deux mémoires, des deux âmes dans une même enveloppe charnelle, etc.).
En d’autres termes, on sort curieux de ce qu’aurait pu être le film si les vieux blancs avaient été transférés dans le corps de jeunes blancs (ou de vieux noirs dans le corps de jeunes noirs, hein, on ne va pas tomber dans le discours ringard du réal, non !).

Détour de Sylvain Guy

Difficile de s’étendre sur un film aussi conventionnel et balisé. Les intentions du réalisateur (qui a introduit la projection par une présentation pleine d’humour), sont tout à fait louables -revenir au film noir avec un « emballage » plus actuel- mais à l’issue de la projection il semble assez clair que c’est là où réside le vrai détour du film : le réalisateur a carrément contourné son sujet !

Excepté la figure obligatoire de la femme fatale, le film de Sylvain Guy ne reprend pas grand chose de l’ambiance délétère et des intrigues policières caractéristiques de ces films.
On doit se contenter ici des pérégrinations rocambolesques et pleines d’incohérence (par exemple, afin de faire disparaître un moment un personnage, le script décide de l’envoyer « trois jours à la chasse », bah voyons !) d’un triangle amoureux engagé dans une succession de rebondissements aussi prévisibles qu’inutiles et surtout vraiment usants à la longue.




Metropia de Tarik Saleh


Encore incapables de nous dédoubler, nous n’avons pas pu revoir Metropia lors de cette édition du Nifff pour les même raisons de superpositions des projections évoquées plus hauts. En ce qui me concerne, j’avais découvert le film de Tarik Saleh, un peu à reculons j’avoue, à Gérardmer en janvier dernier.
Metropia s’est finalement avéré être un très bon métrage d’animation de science-fiction, bourré d’idées « anticipatives » à l’ironie mordante, proposant un regard acerbe (souvent drôle) sur la société de demain entre mega-globalisation et contrôle mental capillaire (attention, votre shampoing vous commande !)

Malheureusement le film est plombé par une imagerie cafardeuse proprement stupéfiante de mélancolie : image terne et désaturée (la palette va du gris à l’ocre en passant par le gris-ocre), voix off de Vincent Gallo au meilleur de son spleen, etc. Alors certes, il s’agit évidemment là de faire coller la forme au fond mais l’on s’interroge toutefois sur l’utilité de la démarche tant elle rend le voyage du spectateur peu confortable.

 

 

Article de Romain B. et Richard B.

Auteur : Romain B.
Publié le mercredi 7 juillet 2010 à 12h08

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