Rencontre @vec...Emmanuelle Maia
une auteure liée au fantastique !!!

L’auteure Emmanuelle Maia s'est volontiers prêtée à une interview par e-mail à l’occasion de la parution de son second roman Résurgences aux éditions Nuit d’Avril. Je l’en remercie grandement et je vous souhaite bien sûr une bonne lecture !
- Pourrais-tu tout d’abord te présenter aux internautes de scifi-universe ? Une mini-bio, ton parcours ?
Je suis née dans l’Ain un matin de mars de l’an 1964, et j’ai découvert Genève à l’âge de trois ans et demi. J’étais une élève moyenne, de celle qui rapporte dans son carnet des annotations du genre : « possède de grandes facilités mais devrait travailler plus ». Cela s’est gâté après la scolarité obligatoire, lorsque l’école supérieure s’est rendu compte qu’elle pouvait très bien se passer de moi. Toutefois, c’est une enseignante qui m’a fait traverser le miroir pour la première fois, du moins celle qui compte, en nous faisant travailler en classe sur un recueil de nouvelles fantastiques de Jean-Charles Jehanne : « Les plumes du corbeau et autres nouvelles cruelles ». Moi qui étais déjà papivore de nature, je suis alors tombée en amour pour ce genre de littérature.
- Comment l’envie d’écrire t’est-elle survenue ?
Adolescente, je recopiais et collectionnais les vers que j’aimais (Verlaine, Baudelaire, Apollinaire, Prévert). Puis je me suis hasardée à écrire mes propres poèmes. Je possédais déjà certaines facilités rédactionnelles, la seule matière dans laquelle mes notes étaient bonnes. Un pas de plus fut franchi avec les nouvelles, bien sûr de type fantastique, ce genre que je venais de découvrir et dont la résonance me fascinait. Le roman n’était, en fin de compte, que la suite logique de cet enchaînement.
- Qu’est-ce que l’écriture représente pour toi ?
Depuis que ce passe-temps s’est mué en passion, il y a une bonne vingtaine d’années, l’écriture m’est devenue aussi vitale que respirer. C’est lorsque j’écris que je me sens en harmonie avec moi-même.
- Te faut-il un cadre particulier ou une atmosphère singulière pour écrire ?
J’ai besoin d’une ambiance paisible. Parfois le silence, parfois une B.O. en sourdine, il y a des jours où le moindre bruit parvient à me déconcentrer. Et puis vient ce moment magique où je tiens bien le fil et que la prise est solide. Dans ces cas-là, rien ne peut plus me distraire. J’ai, par exemple, écrit une nouvelle sur la table d’un bistrot, durant ma pause de midi, un jour où l’histoire, semblait-il, ne demandait qu’à jaillir. Et, en fin de compte, ce texte a obtenu le premier prix d’un concours. Comme quoi…
- Quels sont tes goûts littéraires ? Aimes-tu un auteur en particulier ?
Plus jeune, j’ai dévoré, en sus de mes bibliothèques rose et verte, des auteurs aussi divers que la Comtesse de Ségur, Robert Sabatier, Marcel Pagnol. Cavanna, Agatha Christie ou Jules Verne. En fait, je lisais tout ce qui me tombait sous la main, y compris les étiquettes des produits alimentaires, une manie qui m’est heureusement passée.
Depuis deux décennies, je suis plutôt attirée par les romanciers anglo-saxons tels que Stephen King, Dean Koontz, James Herbert ou Thomas Harris. J’apprécie leur fluidité, leur manière d’emmener le lecteur en balade, la densité de leurs personnages. Du côté des Français, René Barjavel et Maxime Chattam remportent ma préférence. Quant aux poètes, j’ai gardé de bons souvenirs de Baudelaire et une énorme tendresse pour Jacques Prévert, sans compter le Petit Prince de Saint-Exupéry qui reste l’un de mes livres culte.
- Quelles sont tes influences générales ? Tes sources d’inspiration ? Ce qui te donne l’impulsion de création ?
Comme les dernières générations d’auteurs, j’ai été influencée par Stephen King. Mais il serait un peu réducteur de ne s’arrêter qu’à lui. En fait, tous les livres que j’ai lus m’ont imprégnée, que ce soit L’Exorciste (W. P. Blatty), Damien la malédiction (J. Howard), Chasse à mort, Les étrangers, Le temps paralysé (D. Koontz), Ravage (Barjavel) ou l’excellent Colère de Denis Marquet. Une de mes plus grandes chances a surtout été de découvrir ces livres avant les films. La lecture laisse une ouverture plus grande à l’imagination, cette partie de moi qui a toujours été vive et fertile.
Il est rare que je me dise : « il faut que j’écrive une histoire ». En général, c’est plutôt l’histoire qui me saute dessus, comme cette nuit où je rentrais d’une soirée avec un ami. Les phares de la voiture ont éclairé un panneau indicateur et j’y ai lu : « la Croix du Néant ». Bon sang, mais oui, une croix renfermant une particule de néant à même de détruire la planète ! Je tenais le thème d’un roman. En fait, en repassant une fois dans la région, j’ai découvert que le panneau indiquait « la Croix du Nant »… La nuit et la fatigue m’avaient offert une histoire qui, je l’ignorais encore, serait mon premier ouvrage publié. Ce n’est donc pas un processus conscient, mais plutôt une capacité à me laisser aller, à garder mes antennes déployées et à réagir lorsque jaillit l’inspiration.
- Comment cela se passe, en France, pour être édité quand on écrit de la littérature liée à l’imaginaire ? As-tu rencontré beaucoup de problèmes ?
Moins que dans mon pays puisqu’il n’y avait pas, à l’époque (ni même maintenant, à ce que j’en sais), de maison d’édition suisse spécialisée dans le fantastique (alors que le potentiel existe, il suffit de voir les résultats du dernier concours de la FNAC). J’ai suivi le parcours habituel : sélection d’une demi-douzaine de maisons, envoi d’un tapuscrit, réception de lettres types en réponse, etc. Du moins jusqu’à ce que mon chemin croise celui de Nuit d’Avril…
- Comment a débuté l’aventure avec les éditions Nuit d’Avril ?
Sur les cinq exemplaires de la Croix du Néant, trois m’étaient déjà revenus en retour. C’est alors que Franck Guilbert m’a contactée pour me donner une réponse favorable, sous réserve de développer un peu la fin. J’ai fait la fête avec mes chats et, le lendemain, après deux ou trois aspirines pour combattre nos gueules de bois, j’ai attaqué les corrections. L’aventure débutait. La nouvelle version a reçu l’agrément de Franck, et une date de publication a été fixée. Cet enchaînement de circonstances m’a prouvé qu’il ne fallait pas forcément posséder des relations dans le milieu pour être publiée, une idée reçue qui court souvent chez les auteurs débutants.
- Ton second roman Résurgences vient de paraître aux éditions Nuit d’Avril. Pourrais-tu nous le résumer avec tes mots ?
Résurgences est un livre qui tient du Fantastique et de l’Anticipation. Julia Cordier, une fillette qui vit à Genève, démontre très tôt des capacités surprenantes, telle celle de ressentir à l’avance de terribles événements comme ceux du 11 septembre. Sa maman en vient à la qualifier d’empathe, tant la gosse paraît sensible aux tourments d’autrui, que ce soit dans sa famille ou chez des inconnus. Puis le temps passe, et les facultés de l’enfant s’estompent. Elle vient de fêter ses douze ans lorsqu’elle est agressée, une nuit, par un inconnu. Pourtant, ces troubles ne sont que les prémices d’un danger plus grand encore, une menace qui plane sur le monde entier, une terrible catastrophe à laquelle il va falloir survivre. Julia, à l’instar d’autres adolescents qui possèdent des capacités semblables, tentera d’aider les survivants à fonder une nouvelle société, plus en adéquation avec leurs aspirations profondes.
- Ton premier roman s’appelait La Croix du Néant et il traitait également d’apocalypse. Une tout à fait différente de celle de Résurgences bien sûr ! C’est quelque chose qui te touche ? Est-ce l’une de tes plus grandes peurs la fin du monde ?
Je n’ai pas vraiment peur de la fin du monde ; par contre, j’espère bien que je ne serai plus là, le jour où elle se produira… Plus sérieusement, ce thème abordé dans la Croix du Néant méritait d’être approfondi ; voilà qui est fait. J’ai toujours aimé les livres et les films catastrophe, sans doute parce que ces événements ont le pouvoir d’éveiller ce qu’il y a de meilleur en l’être humain. Il n’y a qu’à voir les réactions de solidarité qu’ont provoqué des tragédies comme le 11 septembre ou le tsunami en Asie. Hélas, les gens sont ainsi faits qu’ils s’habituent à tout, même au pire, une des raisons pour lesquelles les attentats de Madrid ou le tremblement de terre au Cachemire n’ont pas suscité la même émotion. Placés dans des conditions extrêmes, les individus retrouvent le véritable sens du mot « humanité », et c’est cela qui m’a séduite durant l’écriture de Résurgences.
- Quelle sensation as-tu maintenant que tu en es à ton second roman ? Le stress de l’auteur est le même ? L’attente des avis, etc. ?
Exigeante et perfectionniste, je travaille beaucoup sur mes romans. Donc oui, les premières critiques sont importantes, sachant qu’un livre représente une année d’investissement personnel. En même temps, il est difficile de plaire à tout le monde. Aussi, passé le stade des premiers avis, j’en viens à relativiser ceux-ci pour me tourner vers mon prochain ouvrage.
- Le fait de parler, dans Résurgences, des enfants indigo – théorie spirituelle sans fondement qui est de plus associée à la secte Kryeon – cela ne t’as pas fait un tout petit peu peur de la réaction des lecteurs ? Tu n’as pas eu peur d’être associée à cette théorie spirituelle ou carrément secte ?
Non, parce que mon propos n’est pas d’encourager quelque secte que ce soit, ce que les lecteurs concluront d’eux-mêmes en lisant Résurgences. D’ailleurs, la première personne à m’avoir parlé des enfants indigo ne fait pas partie d’une secte et n’est pas du genre à adhérer à ce type de mouvements. Mais l’idée de très anciennes âmes se réincarnant depuis le début des années 1980 afin d’aider l’humanité à franchir un tournant décisif dans son histoire a titillé mon imagination. D’autant qu’un petit bout de chou de mon entourage était venu au monde le 5 mai 2000, une date à laquelle a eu lieu un alignement planétaire assez exceptionnel. Résurgences est donc un livre dont le début mûrissait en moi depuis la naissance de ce bonhomme, cinq ans plus tôt. Le mythe des enfants indigo s’est lié à cette coïncidence. Ainsi, Julia Cordier est née de la rencontre de ces deux idées, pas de l’envie de promouvoir une quelconque théorie sectaire.
- J’ai trouvé que la construction de ton roman était un peu trop linéaire et qu’elle manquait de tonus. Etait-ce pour surprendre encore plus le lecteur quand arrive la partie Chaos ?
À mon sens, il était important de donner une réalité à Julia Cordier. Une sorte de genèse où se mettraient en place les éléments des parties 3 et 4. De même, la Chose et le Maître se devaient d’avoir acquis leur propre densité, ainsi que Stéphane Vitali ou Sultan. En fin de compte, certains lecteurs trouvent la partie 1 trop linéaire, alors que d’autres l’adorent. Pourtant, je pense que ceux qui, comme moi, ont laissé le temps à l’histoire de se construire sont frappés par la même incrédulité glacée que les protagonistes du roman lorsque surgit le chaos. Dans ce cas, le choc est complet et, en fin de compte, j’en suis plutôt satisfaite.
- J’ai également eu le sentiment que tu ne te sentais pas tellement à l’aise dans le récit ! Il manquait un peu de ton tonus et de ton humour qui font partie de ta personnalité ? En revanche, je l’ai plus ressenti dans La Croix du Néant où certains passages ou répliques m’ont fait bien rigoler ?!
Comme tout un chacun, je possède plusieurs facettes. Autant c’est la part masculine de ma personnalité qui s’est exprimée au travers de la Croix du Néant, autant je pense que ma sensibilité féminine a primé dans Résurgences. Mais sait-on jamais… je parviendrais peut-être un jour à concilier ces deux aspects dans mon écriture.
- En revanche, tu excelles dans l’art de décrire l’ambiance d’une ville et la vie quotidienne de ses habitants. On le remarque dans La Croix du Néant et dans Résurgences. Par contre dans ce dernier tu situes l’action à Genève ta ville d’adoption. As-tu choisi cela depuis le début ? Cela t’a fait quelque chose en particulier quand tu décrivais Genève dans les décombres ?
Pour la Croix du Néant, j’ai eu plus de facilités à décrire Florence, une ville que j’adore, qu’à imaginer les USA, un pays où je n’ai jamais mis les pieds. En l’occurrence, c’est l’histoire qui a déterminé la situation géographique, car je suis très attachée à la plausibilité de mes récits. Et les événements qui devaient m’amener à couper une petite ville du reste du monde pour une dizaine de jours me paraissaient mieux cadrer avec ce vaste continent qu’en Europe.
Avec Résurgences, l’endroit n’avait que peu d’importance. Il était donc naturel que je situe ce récit dans ma ville, ce qui me permettait aussi un pied de nez amical aux livres et films catastrophes dont l’action se déroule généralement aux Etats-Unis. Ce choix m’a permis d’obtenir, en cours d’écriture, une vision encore plus précise des événements. Quant à l’émotion ressentie, je l’ai plutôt vécue au travers de mes personnages que de manière directe.
- Tu aimes bien également faire des clins d’œil à d’autres auteurs ou plutôt à l’une de leur œuvre ? Dans Résurgences tu fais référence au roman Nous nous reverrons… hier de Fabrice et Nicolas puis dans La Croix du Néant à l’un des personnages de Misery – Paul Sheldon. C’est une chose précieuse pour toi de faire des clins d’œil à des œuvres que tu aimes ? À tes amours littéraires ;p ?
J’aime parsemer mes fictions d’autres fictions, créer des liens avec des écrivains qui m’ont séduite. En ce qui concerne la Croix du Néant, le clin d’œil à Misery était presque inévitable, ma ville imaginaire se situant dans le Colorado. Comme, en plus, il s’agit d’un de mes romans préférés du King, je me suis offert le plaisir de citer cette œuvre. De même, si la réalité en vient à coller à la fiction, je me permets aussi d’autres allusions, celles-ci bien concrètes. C’est ainsi que j’évoque, dans cet ouvrage, le tueur en série Ted Bundy, hélas bien connu pour ses crimes atroces. En fait, ce ne sont pas des démarches préméditées, mais plutôt des occasions que je trouverais dommage de laisser passer.
Dans Résurgences, l’idée de Nous nous reverrons… hier s’est également imposée d’elle-même. J’avais adoré le livre de Fabrice Nicolas et cet hommage m’a semblé naturel, d’autant qu’ils possèdent, à mon avis, un très grand potentiel. Je me réjouis de les suivre, ces prochaines années, et de découvrir ce qu’ils nous concocteront encore à quatre mains.
Mon prochain roman m’offrira-t-il une occasion de ce genre ? Je crois que, en fin de compte, c’est l’histoire qui en décidera d’elle-même. Mais si elle se présente, je n’hésiterai pas !
- En parlant de Stephen King, on compare souvent ton style littéraire à celui-ci et surtout dans La Croix du Néant ?! Tu l’as fait consciemment parce que tu as une faiblesse vis-à-vis du King ? Ou cela t’es venu tout seul ?
On ne suit pas la carrière d’un écrivain depuis près de vingt ans sans en garder des traces. Mais je pense que cette comparaison doit beaucoup au fait qu’une partie de l’action de la Croix du Néant se situe dans une petite ville des Etats-Unis, et plus précisément au Colorado, un Etat que Stephen King met en scène dans plusieurs de ses livres (Misery, Shinnig, le Fléau, etc.). Ce qui m’interpelle, c’est que je ne pense pas avoir radicalement changé de style avec Résurgences. Pourtant, cette observation ne m’est plus venue aux oreilles depuis la parution de mon second roman.
- Dans tes deux romans tu écris les préfaces toi-même. C’est un moyen de te sentir plus proche de ton lecteur ?
Le lecteur tient une grande place dans mon cœur. Reliée à lui par des fils invisibles et intemporels, je me trouve privilégiée d’entrer dans son intimité pour lui offrir une parenthèse de rêve et d’émotion. Il me semble dès lors naturel de l’en remercier dans ma préface, d’entretenir avec lui cette forme de dialogue avant qu’il ne s’aventure sur les territoires de mon imaginaire.
- Pourrais-tu nous parler de tes projets futurs ?
J’ai débuté l’écriture d’un nouveau roman dont l’intrigue se situera, cette fois encore, à Genève. Mais je serai sage, c’est promis… pas de cataclysme en vue. Les Genevois peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles. Quoique…
En parallèle à ce travail de longue haleine, je suis très tentée par certains appels à textes qui circulent en ce moment. J’ai une nouvelle en court de correction pour le premier. Quant aux autres, j’attends que les histoires mûrissent encore un peu avant de m’y attaquer.
D’autre part, des séances de dédicace sont d’ores et déjà programmées pour cet automne/hiver, et je me réjouis comme toujours de rencontrer lecteurs et auteurs pour ces moments qui sont riches en bonheurs et en émotions.
De même, je suis ravie d’avoir eu l’occasion de m’exprimer par le biais de cette interview sur scifi-universe, et j’espère que les internautes auront autant de plaisir à me découvrir que j’en ai eu à me dévoiler pour eux. Alors merci.
Bonus : pourrais-tu te prêter au jeu du portrait chinois ?
Si tu étais :
- Un Livre : le Petit Prince - Un Mot : tolérance - Une Phrase : « Parce que si une machine, le Terminator, peut découvrir la valeur d’une vie humaine, peut-être le pouvons-nous aussi… » - Un Film : Apparitions - Une Chanson : Stand by me - Un Objet : une lampe de chevet - Un Animal : un chat - Une Couleur : jaune tournesol - Une émotion : la joie - Une fin : un coucher de soleil


» La chronique de Résurgences

» La chronique de La Croix du Néant

Auteur : Lucie M.
Publié le jeudi 6 juillet 2006 à 10h56
Source : SFU

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