Rencontre avec... Ron Gilbert
Créateur du fameux sytème SCUMM des jeux LucasArts

[Propos recueillis par un fans sur place, ami du staff] En bon geek que je suis, quand j'ai vu que Ron Gilbert de passage à Paris proposait aux fans de le retrouver pour un déjeuner, j'ai bondi. Mais c'est qui Ron Gilbert vous allez me dire ?


C'est le créateur de jeux mythiques comme Maniac Mansion, Zak Mc Kraken, Indy 3, et surtout les 2 premiers Monkey Island. Il a aussi créé le système SCUMM qui animait les jeux d'aventures de LucasArts de la grande époque qui a changé la face du jeu d'aventure : grâce à lui on ne tapait plus du texte genre "open door" "go south" "use key on trunk", on se servait simplement et intuitivement de sa souris. Il est aussi à l'origine de quelques broutilles comme Total Annihilation... Excusez du peu.
Bref avec une 20aine d'autres geeks fans de retro-gaming on a rencontré le monsieur hier midi, et on a papoté jusqu'à 18h ! Ron était accompagné par son collègue Clayton Kauzlaric, un autre petit débutant qui a bossé sur les graphismes de Secret of Evermore ou sur Total Annihilation.
Comme ils ont des Nintendo DS ils avaient lancé l'idée d'une session Mario Kart en wifi, pendant laquelle ils se sont fait écraser :)

Enfin bref un moment sympa et un môssieur très sympathique.
Un des membres du site push-start.com a résumé de mémoire les questions et réponses qui ont fusé, avec quelques bonnes anecdotes dedans...
FANCLUB - Bonjour, Ron, et bienvenue en France pour cette première rencontre avec vos fans français. C'est la première réunion de ce genre que vous organisez hors Etats-Unis ? RON GILBERT - Non, il y a déjà eu deux meetings auparavant, le premier à Londres et le second à Amsterdam. Alors, je commence à m'y faire.
Sans indiscrétion, peut-on savoir ce que vous venez faire sur Paris avec Clayton ? Nous sommes actuellement entrain de rencontrer des éditeurs français pour co-financer le projet de jeu sur lequel je travaille, et dont Clayton sera le directeur artistique.
Un jeu distribué par des français ? Par des européens serait davantage l'idéal. Il n'existe pas de gros éditeur comme aux US qui pourrait produire tout seul ce jeu, aussi j'essaye d'obtenir des fonds par des éditeurs anglais, allemands... C'est un peu compliqué et difficile à mettre en place, mais hé, c'est l'Europe ! (rires)
Pouvez-vous nous parler du jeu que vous voulez lancer ? Ce serait une série de jeux mélangeant aventure et JDR en plusieurs chapitres, chaque chapitre correspondant à un jeu et se déroulant à chaque fois dans une époque différente. On pourra jouer aux chapitres dans l'ordre qu'on voudra, il y aura éventuellement quelques interactions entre les chapitres. Graphiquement, le jeu sera un mélange de 3D et de 2D. La 3D sera simple au possible et tout le travail artistique se fera dans la 2D. Ah, et on prévoit de le distribuer par téléchargement payant... mais les éditeurs sont encore très frileux sur ce mode de distribution.
C'est un projet très ambitieux ! Vous n'êtes pas un nostalgique de la 2D ? Non, j'aime beaucoup la 3D car elle permet vraiment de s'immerger dans l'univers du jeu. Par contre, je n'aime pas trop le travail fait sur les textures en général. Je les trouve assez moches.
Ce mélange 2D/3D ressemblera-t-il à ce qu'on a connu dans Grim Fandango ou Monkey Island 4 ? Non, j'ai d'ailleurs trouvé ce mélange-là assez contraignant au niveau de la maniabilité et de la lisibilité. Il aurait mieux valu faire un environnement entièrement en 3D temps réel.
Parlons, un peu de votre période chez Lucasfilm Games. Que pensez-vous du fait qu'il y aie toujours autant de fans de Monkey Island après toutes ces années (et oui, Guybrush a 16 ans, maintenant) ? Cela m'étonne encore qu'on me parle de Monkey Island, oui. Mais ça me fait beaucoup plaisir, bien entendu.
Vous n'en n'avez pas marre justement qu'on vous parle tout le temps de ce jeu ? Non, car j'aimerais beaucoup pouvoir faire un nouveau Monkey Island... refaire le 3, en fait. J'aime bien le concept des suites dans le jeu video, car ça me permet de revenir sur mes personnages, d'approfondir le monde dans lequel ils vivent, d'inclure les idées que je n'ai pas pu inclure dans les jeux précédents.
Refaire Monkey Island 3 ? Vous n'aimez pas celui qui a été réalisé sans vous ? Si, j'aime beaucoup ce qu'ils ont fait avec Monkey 3, le design (graphismes, voix, musiques) était très bien, les énigmes étaient bien pensées, et le scénario était bien écrit aussi, mais ça ne correspond pas à mon explication du secret de l'île aux singes.
Et le 4 ? Je l'aime moins. L'environnement 3D est très frustrant pour le maniement et les énigmes étaient trop illogiques.
Concernant la fin du 2, le fait que Guybrush redevienne un enfant et demeure prisonnier de Big Whoop, était-ce une façon de montrer sa mort, en fait ? Non, non, j'ai toujours voulu que Guybrush vive !
D'ailleurs, parlons un peu de la genèse de Monkey Island, comment vous est venu l'idée de raconter une aventure délirante dans les Caraïbes d'un 16e siècle bourrée d'anachronismes, avec des pirates ? Je ne saurais dire, c'est né de différentes lectures, films et autres influences que j'ai eues. Je ne me suis jamais vraiment penché sur la question de savoir d'où venait cette inspiration.
Et ce nom stupide : Guybrush Threepwood, comme est-ce venu ? C'est tout bête, au début le héros n'avait pas encore de nom. Quand Steve Purcell a démarré les dessins de ce personnage qui n'avait pas de nom, il indiquait juste 'guy' en-dessous. Puis, lorsque viennent les premiers sprites, les séquences décomposées s'appellent 'brushes'. Ce qui faisait que l'on lisait régulièrement en-dessous de chaque sprite 'guy brush #1', 'guy brush #2'... etc... A force de lire ça, j'ai fini par dire "appelons-le Guybrush" ! Bien sûr, les autres m'ont dit que c'était un nom trop idiot (Tim Schafer entre autres), mais finalement il a connu un franc succès, parce que c'est un nom facile à retenir (un peu comme 'game boy').
Alors, Ron, dîtes-nous quel est le lien entre le trésor de Big Whoop et l'île aux Singes, en bref : quel est le secret de l'île aux Singes ? Il vous faudra attendre que j'ai refait le 3 pour le savoir ! (rires)
Vous avez envie de faire un nouveau Monkey Island, et nous d'y jouer ! Où est-ce que ça bloque ? Chez LucasArts. Ils ne veulent pas faire de nouveau Monkey, car ils pensent que ce ne serait pas assez rentable, mais ils ne veulent pas non plus vendre les droits car ils n'ont pas envie qu'un autre qu'eux puisse se faire de l'argent sur cette licence. Pourtant, il y a pas mal d'éditeurs qui aimeraient beaucoup produire un nouveau Monkey.
Concernant l'ambiance à Lucasfilm Games, comment cela se passait-il ? Pas trop de contraintes ? Non, nous étions vraiment très libres. Le directeur, à l'époque, était quelqu'un de très ouvert et d'intelligent, qui avait compris assez vite le potentiel derrière des jeux comme Monkey Island ou Maniac Mansion. Mais le plus comique, c'est qu'à l'époque, ils nous avaient donné comme consigne : "faîtes tout ce que vous voulez, sauf du Star Wars !" (rires) C'est intéressant de voir l'inverse se produire aujourd'hui.
George Lucas venait-il voir les jeux que vous conceviez pour lui ? Non, il n'est jamais venu voir ce que nous faisions, nous le croisions quelquefois à la cantine du Skywalker Ranch, mais c'est tout. Je pense d'ailleurs que c'était mieux ainsi, car nous avions vraiment carte blanche. S'il avait été plus présent, il nous aurait dit "Pas de singes ! Les gens n'aiment pas les singes ! Mettez des Stormtroopers à la place !" (rires) En revanche, Steven Spielberg était beaucoup plus intéressé, et chaque fois qu'il venait au Skywalker Ranch rendre visite à George, il passait nous voir et regardait les jeux sur lesquels nous travaillions. C'est comme ça ainsi qu'est venue sa collaboration avec LucasArts sur 'The Dig' (auquel je n'ai pas participé car je n'étais plus dans la boîte à ce moment-là).
Et concernant la fameuse "guerre" avec Sierra On-Line, comment ça se passait ? Ah, on les détestait ! On les détestait parce que, quoi qu'on fasse, ils arrivaient toujours à vendre plus que nous ! (rires) Une fois, nous avions invité tout le staff de Sierra au Skywalker Ranch pour une partie de base-ball... et on avait perdu !! (rires) Mais nous nous connaissions tous, et il y avait une bonne ambiance entre les deux boîtes.
Parlez-nous un peu du divorce avec Lucasfilm Games, comment ça s'est passé ? Plutôt bien. Je n'avais aucun problème avec cette compagnie, j'y avais passé les meilleures années de boulot de ma vie. J'étais triste de partir, bien sûr, car j'avais mes amis là-bas, mais j'avais aussi envie de voler de mes propres ailes, de concevoir d'autres types de jeux.
C'est là que vous avez créé Humongous Entertainment. D'où est venue cette envie de faire des jeux pour les enfants ? Déjà, j'en avais un peu assez de concevoir des jeux très longs, alors qu'un jeu pour enfant prenait entre cinq et six mois de réalisation. C'était très rapide, et ça m'a permis de m'aérer un peu. Ensuite, c'est parce que je voyais des enfants de 4 ans jouer déjà à Monkey Island, sans comprendre les dialogues, ils apprenaient un peu les verbes (look at, open, close), mais ce qui les intéressait surtout, c'était l'exploration. L'idée m'était donc venue de concevoir des jeux d'aventure pour eux.
Ensuite, vous avez fondé Cavedog et sorti Total Annihilation, qui a connu un très gros succès. Ce que l'on a surtout retenu de ce jeu c'est sa musique vraiment magnifique et l'excellente idée de télécharger de nouvelles unités par internet. Pouvez-vous nous en parler ? Pour la musique, Clayton connaissait déjà Jeremy Soule, avec qui il avait travaillé sur Secret of Evermore. Ce gars a vraiment fait un travail fantastique sur la musique, et c'est d'ailleurs aujourd'hui un des meilleurs compositeurs de musiques de jeux aujourd'hui. Pour les unités à télécharger, c'était une bonne idée mais une vraie galère à réaliser ! A chaque nouvelle unité créée, il fallait revoir à chaque fois les balances avec les unités précédentes. C'était un travail monstrueux, on avait l'impression de ne pas en voir le bout ! Et si on s'arrêtait une semaine pour faire un break, on risquait un procès ! (rires)
Comment Cavedog a coulé par ailleurs ? Quasiment en même temps que GT Interactive. Total Annihilation avait bien marché, mais pas suffisamment pour nous permettre de nous agrandir. Après TA Kingdoms, nous allions démarrer un nouveau projet avec GT... et puis Infogrames a racheté GT, puis revendu ses parts, et le projet n'a pas survécu.
Et concernant le marché du jeu video, pensez-vous qu'il peut y avoir un jeu video indépendant émergeant, tout comme il y a un cinéma indépendant reconnu ? Pour cela, il faudrait qu'il y aie des sous derrière, car les réalisateurs de films indépendants ont souvent derrière eux de gros producteurs qui les soutiennent financièrement. Alors, que dans le jeu video, ce sont souvent des passionnés qui travaillent avec leurs propres moyens.
Il faudrait donc que des grosses boîtes comme EA consacrent une partie de leur budget à produire des jeux "risqués" ? C'est ce qu'il faudrait, en effet, mais l'autre gros problème de l'industrie du jeu est que les gros éditeurs sont des gens qui ne jouent pas, qui n'ont pas beaucoup d'estime pour le jeu video. Pour eux, c'est juste un moyen de gagner de l'argent, ce qui explique pourquoi ils travaillent essentiellement avec de grosses licences. En fait, tous les game designers, graphistes, musiciens, scénaristes vous diront qu'ils ont envie de travailler sur des projets originaux, mais c'est souvent en haut de l'échelle que ça coince. Mais sans doute lorsqu'ils découvriront que faire un jeu drôle et sans flingues peut être rentable, ils changeront leur stratégie en conséquence.
D'ailleurs, à ce sujet, Psychonauts de votre ami Tim est complètement atypique sur le marché. Oui, raison de plus pour l'acheter ! (rires) Mais c'est aussi un très bon jeu, il a fait du bon boulot !
Vous aimeriez retravailler un jour avec Tim Schafer et Dave Grossman (NB : tous deux scénaristes des Monkey Island) ? Bien sûr, oui. Je reste souvent en contact avec eux. J'aimais beaucoup l'émulation entre l'humour délirant de Tim et celui très sec et sarcastique de Dave, sur les Monkey. Je retravaillerai très certainement avec Dave, pour Tim il a sa boîte à gérer maintenant.
Merci, Ron Gilbert ! You're welcome !
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Auteur : David Q.
Publié le mardi 7 mars 2006 à 06h19
Source : propos recueillis par push-start.com et un ami sur place

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Commentaires sur l'article

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    C'est fou comme Monkey Island à marqué et marque encore. Notons il y a quand meme de quoi. ça m'a fait plaisir de voire que Ron Guilbert existait tjr ^^
    Ivy Alice, le 15 avril 2007 22h48
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    pnyxatdjgj.vojwfstf, http://www.njtcvkfech.com aotnyvqgfa
    pnyxatdjgj.vojwfstf, http://www., le 29 février 2012 13h50

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