L'étrange Festival du Week-end
Nos retour sur Cooties, Yakuza Apocalypse et Moonwalkers

Un weekend chargé en surprises plus ou moins bonnes et qui témoigne de la diversité de cette programmation.

"Cooties" réalisé par Jonathan Milott et Cary Murnion avec Elijah Wood, Alison Pill, Rainn Wilson, Leigh Whannell, Ian Brennan - USA

Elijah Wood ne semble pas vouloir se reposer sur ses lauriers ni aller du côté de la facilité. Wood aime le cinéma et plus encore le cinéma de genre. Plus qu'à chercher à casser son image de gentil, il s'investit dans la production en fondant SpectreVision avec Daniel Noah et Josh C. Waller afin de concrétiser des productions plus confidentielles et plus originales. Après avoir aidé le très bon LFO: The Movie (il était producteur exécutif) et avant de s'attaquer à Open Windows (sorti en DTV en France), il y eu Cooties. Et, étrangement, le film a mis du temps à faire son chemin. Bien que diffusé en 2014 à Sundance, et possédant le pitch idéal pour les festivals, il n'arrive en Europe qu'en ce mois de septembre 2015 via l'Etrange Festival puis sortira directement en DVD le 15 octobre en Allemagne et le 30 octobre en Espagne.

Cooties situe son action dans une petite école élémentaire dans laquelle une élève va malheureusement ingurgiter un nugget avarié, ou plutôt infecté par un virus qui va la transformer en zombie. Bien entendu, elle va à son tour contaminer d’autres enfants qui vont s’en prendre par la suite aux professeurs de l’établissent. Dans la lignée du Village des damnés, des Révoltés de l'an 2000, ou de The Children, nos chères gueules d'anges vont donc de nouveau s'en prendre à toute personne ayant des allures d'adultes – plus précisément ici, ayant passé la puberté.

Pour le coup, Cooties serait l'équivalent des productions Troma, mais avec le budget de ses ambitions. La photo tout comme le casting sont soignés et les effets gores sont à la hauteur même si on aurait pu s'attendre à un peu plus de démesure. En fait, Cooties, plus qu'un film techniquement bien emballé et surfant – à mon goût un peu trop - sur la vague zombies/infectés, a le mérite d'être drôle, voir très drôle ! Avouons que transformer des enfants en véritables monstres a quelque chose de toujours délicat, de politiquement incorrect. Leigh Whannell (Insidious, Saw) et Ian Brennan (Glee) ont su écrire des répliques qui font souvent mouches, et même s'ils penchent vers les poncifs du genre au milieu du récit, ils arrivent globalement à sortir du lot dans un genre où nous ne pensions plus vraiment prendre de plaisir tant il fut déjà abordé à toutes les sauces. Pourtant ici c'est le cas.

La recette peut paraître simple, mais pas si facile à appliquer, les personnages sont attachants, ont tous une certaine personnalité, et que ce soit les scénaristes ou mêmes les réalisateurs (Jonathan Milott et Cary Murnion), ils semblent ne céder à aucun compromis de censure. Nous donnerons au passage une mention spéciale à Rainn Wilson déjà très bon dans Super. Bref, lorsqu'on voit Cooties on s'étonne que ce dernier arrive si tardivement, et clairement, il mériterait une sortie en salle !

Note de Richard B. : 7.5/10
Note de Jonathan C. : 7,5/10

 

"Yakuza Apocalypse" réalisé par Takashi Miike avec Rirî Furankî, Denden, Hayato Ichihara, Yayan Ruhian, Mio Yuki - Japon

CONTRE :

Les bons films de Takashi Miike se font de plus en plus rares...Sur les 6 dernières années et 12 films, nous retiendrons seulement Gyakuten Saiban bien que s'étirant un peu en longueur et 13 Assassins surtout pour sa deuxième partie impressionnante. Bref, bien que possédant un pitch aguichant -  un Yakuza vampire respecté de son quartier et qui a pris sous sa tutelle un "padawan" fortement encourageant va devoir faire face à une fraction d'individus avides de lui voler sa vie et son territoire —, la méfiance tout comme l'espoir étaient autour de Yakuza Apocalypse.

Si les premières 30 minutes laissent présager un très bon film en insufflant un juste dosage de personnages de prime abord attachants malgrés leur violence, de délires sanglants et d'émotions avec une direction de la photographie léchée, et une certaine richesse des décors, Yakuza Apocalypse va déraper de manière assez drastique. Certes les excentricités de Takashi Miike ne sont pas nouvelles et assez redondantes dans son cinéma qui a su faire sa réputation, mais les blagues les plus courtes sont souvent les meilleures et Miike, une fois parti dans ses délires, ne sait rarement s'arrêter, et ce qui est insolite et amusant au départ devient lourd par la suite. Si on commence à sourire à la venue d'un homme semi-tortue à l'allure quelque peu kitch alors que le film se voulait assez sérieux, cela n'est en fait qu'une porte qui vient de s’ouvrir vers le grand n'importe quoi qui ne se souciera plus du tout de la psychologie ni de l'évolution des personnages qui nous avaient été présentés au départ. Au programme : des enfants qui poussent de la terre, une grenouille karatéka en mode casimir, un volcan carton-patte, et d'autres petites choses qui prennent le dessus sur une histoire partiellement oubliée en court de route jusqu'à arriver à une non-fin et un anticombat attendu avec un Yayan Ruhian (The Raid) complètement sous-exploité. Tout ça est parsemé de gros problème de rythme, car malgré des bastons assez récurrentes et le côté Grand-Guignol qui auraient dû au minimum tenir en haleine, on s'ennuie et la raison en reste simpliste : plus le film avance, plus le scénario et la dramaturgie semblent s'amoindrir. Pour conclure sèchement, à mon avis c'est mauvais et c'est quasi du foutage de gueule pour le spectateur !

POUR :

Devenu un peu plus sérieux et mainstrean ces dernières années, l’inusable et prolifique Takashi Miike revient à ses vieux démons et à ses délires iconoclastes avec Yakusa Apocalypse, dans lequel un yakuza mordu par son boss devient à son tour un vampire et va affronter l’organisation secrète responsable de la mort de son patron. Quand Takashi Miike fait à la fois son come-back et son adieu dans le grand n’importe quoi (il annonce que ce sera son dernier film violent), il ne le fait pas qu'à moitié : entre yakuza eiga et film de vampires, Yakuza Apocalypse multiplie gunfights, bastons et gags et fait aussi débarquer une organisation secrète improbable composée notamment d’un nauséabond homme-oiseau-tortue (on sait pas trop ce que c'est, en fait), d’un mystérieux fighter de pencak-silat (Yayan Ruhian, le bad guy de The Raid ici déguisé en touriste le temps de donner quelques coups avec classe) et surtout d’un homme-grenouille à la fois super-puissant et hilarant (le double-costume kitsch va marquer durablement les esprits) qui fait verser définitivement le film dans l’absurde total, notamment pour un climax apocalyptique aussi surréaliste que démentiel (digne de celui du premier Dead or Alive) dans lequel notre héros-vampire affronte d'abord l’homme-grenouille dans un combat homérique cartoonesque puis Yayan Ruhian dans un ultime duel qui prend les attentes du spectateur à contre-pied puisqu’il se révèle anti-spectaculaire au possible et s’impose comme un gag interminable mais étrangement non dénué d’une certaine intensité. Sans même parler de la fin, ou plutôt de la non-fin, l'Apocalypse en question, l'occasion d'un petit clin d'oeil à Godzilla.

Takashi Miike traite ce joyeux bordel avec un premier degré déstabilisant, ce qui lui permet tout de même de rendre ses personnages attachants et mémorables en dépit de leur caractère too much. De nouveau, Miike se moque des yakusas (il fait même dire à l’un de ses personnages yakuza : « Un yakuza pas débile n’est pas un yakuza ») et tourne leur système en dérision, il devrait d’ailleurs finir un jour par se faire buter par l’un d’entre eux.

Tout cela est trop long (comme toujours chez Miike qui, comme Tsui Hark parfois, a tendance à ne pas faire le tri dans ses idées folles) et n’a aucun sens, aucune cohésion et aucun propos (si ce n’est la peinture absurde du milieu yakuza et une vague histoire d'amour). Heureusement que cette gigantesque farce multiplie les fulgurances jubilatoires (des scènes d’action pêchues), les excès de violence gratuite, les démonstrations provocatrices de mauvais goût, les digressions hilarantes (notamment une séquence animée de "citoyens qui poussent") et les plans iconiques à souhait. On y retrouve le même soin esthétique (belle photo, cadres appliqués…) que dans les derniers films du réalisateur, qui bénéficie désormais de bons budgets (maintenant qu’il est considéré comme un « auteur ») pour donner libre cours à ses délires. Un cadeau pour les fans de Miike, mais pas pour les détracteurs ou les hermétiques à son cinéma.

Note de Richard B. : 4/10
Note de Jonathan C. : 7/10

 

"Moonwalkers" réalisé par Antoine Bardou-Jacquet avec Rupert Grint, Ron Perlman, Robert Sheehan, James Cosmo - France / Angleterre

Attention, voici certainement le Prix de cette édition 2015 de l’Etrange Festival. Intelligent, bien joué, fun, original, Moonwalkers a su parfaitement nous charmer.  En gros l’histoire de ce dernier se situe en  juillet 1969, Tom Kidman est alors l’un des meilleurs agents de la CIA bien que sensible encore à quelques troubles dus à la guerre du Vietnam. Kidman a cette fois pour mission de partir pour Londres afin de rencontrer Stanley Kubrick et le convaincre de filmer un faux alunissage au cas où la mission Apollo 11 échouerait. Mais au lieu de tomber sur le manager du réalisateur de 2001, l'odyssée de l'espace, il fait la connaissance de Jonny, manager raté d'un groupe de rock hippie.

Retenez bien le nom d’Antoine Bardou-Jacquet, qui vient là de nous signer un premier film fortement prometteur avec une personnalité qui serait un savant mélange d’un Michel Gondry (il semble d'ailleurs que les deux réalisateurs se connaissent) et d’un Guy Ritchie (mais en mieux). Le scénario joue d’une certaine façon sur l’uchronie tout en se servant de la légende urbaine de la théorie du complot selon laquelle les premiers pas de l'Homme sur la Lune seraient ni plus ni moins qu’un un canular filmé en studio par un certain Stanley Kubrick.

Le synopsis avait de quoi faire saliver, et le film tient quasiment toutes ses promesses sur ce point. Bon on regrettera un petit truc sur la fin – assez prévisible dans sa dernière demi-heure -, mais on n’évoquera pas le sujet ici afin que vous puissiez voir le film sans savoir à quoi vous attendre. En effet, il serait bête de vous dévoiler la conclusion.  Une chose est promise, du générique d’introduction animé et très 60’s jusqu’à celui de fin ou tous les noms défilent accompagnés par des sortes de gros bonhommes en apesanteur (rapport à une scène du film), le film vous fera très régulièrement sourire, voir même bien plus. En outre, Antoine Bardou-Jacquet fait preuve d’une grande créativité dans ses idées visuelles - quelques trips hallucinogènes sont assez stupéfiants - et globalement les décors sont très bien pensés et conçus de façon à couvrir l’essentiel d’un projet ambitieux avec des moyens certainement limités, mais qui n’apparaissent pas probants à l’écran. Bref, c’est chic et choc (dans plusieurs sens, puisqu’il y a même quelques têtes qui éclatent).

Le tout est mené par un Ron Perlman qui a rarement était aussi bon – à mille lieues de ses cabotinages dans Drive – et un Rupert Grint en très bonne voie pour sa reconversion post-Harry Potter (bien que déjà assez amusant dans Petits meurtres à l'anglaise).

Note de Richard B. : 7.5/10
Note de Jonathan C. : 7.5/10

 

"The Corpse of Anna Fritz" réalisé par Hector Hernandez Vicens avec Alba Ribas, Albert Carbo, Bernat Saumell, Cristian Valencia - Espagne

Une morgue + trois jeunes alcoolisés et dopés à la cocaïne + le cadavre d’une célèbre et superbe actrice = ça va forcément partir en vrille. En effet, fascinés par le corps nu de la star qu'ils sont venus mater dans une morgue, les jeunes hommes, l’un étant interne, ont la bonne idée d’abuser sexuellement du cadavre d’Anna Fritz, lorsque cette dernière se réveille subitement. Malgré son sujet très macabre et son concept théâtral (quatre personnages s’affrontent en huis-clos), The Corpse of Anna Fritz se pose comme un pur thriller pop-corn, un exercice de style malin et tordu, un suspense hitchcockien aux frontières du surnaturel (on ne sait pas pourquoi Anna Fritz est vivante, mais peu importe) multipliant les rebondissements et les poussées d’adrénaline. Au fil d’une mise en scène aiguisée, concise et fourbe qui surprend plus d’une fois le spectateur (d’autant plus fort que le décor est assez limité), le réalisateur Hector Hernandez Vicens (dont c'est le premier long-métrage) maintient une tension efficace pendant 75 petites minutes, ayant eu le mérite de faire court, sobre et efficace. Plus ça avance, plus la situation dégénère jusqu’au point de non-retour.

L’idée du cadavre se réveillant dans une morgue rappelle Le Veilleur de nuit ou After.Life (avec Liam Neeson et Christina Ricci), et les films sur la nécrophilie sont généralement (et justement) assez glauques (Aftermath, Deadgirl, Lune froide, ou J'aimerais pas crever un dimanche dont l’idée du mort se réveillant pendant qu’on lui fait l’amour est reprise ici), mais le réalisateur fait de son Corpse of Anna Fritz une série B efficace, ni sordide (les deux séquences nécrophiles sont filmées de façon plutôt subtiles) et plus tendue que malsaine, même si forcément transgressive au vu des dérapages qui s'y déroulent (mais au final ça reste très moral). Ca n'est pas crédible une seconde mais c'est pourtant très prenant, notamment grâce à un quatuor d'acteurs habités. Une bonne surprise.

Note de Jonathan C. : 7/10

 

Ninja Eliminator 4 réalisé par Mathieu Berthon avec Lionel Laget, Rurik Sallé, David Doukhan - France

La nuit "SuperMegaBloody" fut introduite par le court-métrage Ninja Eliminator 4, qui est en fait une fausse bande-annonce à la façon de celles des films de ninja Z qui pullulaient dans sur les bonnes vieilles VHS des années 80. Le réalisateur Mathieu Berthon, qui avait déjà revisité la série B d'action eighties avec le jubilatoire Le Réserviste (disponible en DVD), prends la suite du travail effectué par le collectif RKSS (les réalisateurs de Turbo Kid, dont l'un fait d'ailleurs une apparition dans Ninja Eliminator 4) avec les faux trailers de Ninja Eliminator 1 et Ninja Eliminator 2. Comme ses prédecesseurs, Mathieu Berthon rend ainsi homage à tout un pan de la série Z et du cinema d’exploitation (dont le film de ninja), mais avec un côté franchouillard qui fait la difference avec d’autres produits similaires (car avec cette mode grindhouse, difficile de se démarquer). Dans Ninja Eliminator 4 : the french connection, deux superflics, François (Lionel Laget, très drôle, vu aussi chez Jean-Pierre Mocky) et Jean-Baptiste (David Doukhan, qui fait hélas pas aussi long feu que dans Le Réserviste), traquent le mystérieux Mr. Mo, le chef d’un gang de traffiquants de ninjas. Lorsque son coéquipier est tué, François est bien decidé à retrouver le méchant pour se venger, en dépit des avertissements de son supérieur (Rurik Sallé affublé d'un look hilarant). Gunfights et combats de ninjas plein de faux raccords, d’effets spéciaux cheap et de costumes kitsch, training-scene avec vieux maitre chinois, course-poursuite absurde, duel final sur l’aile d'un avion, mime fourbe se transformant en ninja, le tout en anglais avec accent français à couper au couteau (une bonne idée qui, tout en internationalisant le film, fait encore plus nanar, surtout avec les bonnes vieilles punch-lines) et bande-son évidemment très synthé eighties (à écouter ici), bref que du bonheur pour les amateurs de nanars, même si le déjà culte Kung Fury vient juste de passer par là (faut dire que c'est pas le même budget). Du beau boulot, dans le sens ou ce n'est pas facile de faire volontairement nul tout en étant bon (d'autant plus que c'est un tournage "à l'arrache"). Puis un film qui cite Samurai Cop est forcément cool.

Jonathan C.

 

Auteur : Richard B.
Publié le mardi 8 septembre 2015 à 17h00

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