Entretien avec Romain d'Huissier et Laurent Devernay
Les super-héros made in France...

De plus en plus populaires, les super-héros se déclinent dans tous les médias, y compris dans les jeux de rôle. Pendant longtemps cantonnés aux adaptations Marvel/DC, ceux-ci se développent et proposent des choses de plus en plus orginales (voir le récent Superclique pour s'en convaincre). Dernier jeu à débarquer sur le marché, Hexagon Universe est l'adaptation de comics français des années soixante quelque peu tombés dans l'oubli depuis lors.

Conçu par Romain d'Huissier  et Laurent Devernay (déjà au générique d'une autre adaptation de super-héros : La Brigade Chimérique), Hexagon Universe fait une proposition à la fois nouvelle dans ses origines et très classique dans ces composants, à savoir une sorte de Marvel like à la française. Le résultat aurait pu être indigeste comme un produit low-cost, il n'en est rien ! Alors pour en savoir plus, on a décidé de contacter les deux auteurs du jeu.

Romain d'Huissier travaille dans le milieu du jeu de rôle professionnel depuis bientôt quinze ans : « J’ai eu l’occasion d’être auteur sur de nombreuses gammes (Qin, Capharnaüm, Devâstra, Luchadores…) et chef de projet sur quelques autres (La Brigade Chimérique, Hexagon Universe…). Je collabore de même avec la presse rôliste, notamment Di6dent et Mythologica depuis leurs débuts et Casus belli depuis plus récemment. Je suis également écrivain en parallèle : j’ai déjà écrit quatre romans, une bonne dizaine de nouvelles et j’ai dirigé trois anthologies ».

Laurent Devernay, quant à lui, écrit des jeux de rôle depuis plus de dix ans et s'est petit à petit imposé comme l'un des auteurs français les plus prolifiques : « Je citerai Brain Soda (pour premier amour) et d’autres plus récents comme DevâstraLa Brigade ChimériqueHexagon UniverseZ-corpsL'aventure perdue d'Arsène Lupin et Museum (qui vient de ressortir). Du côté de ceux qui doivent sortir bientôt, j’ajouterai City Hall et Sweepers Inc - les Éboueurs de l’Espace. Sans compter ceux qui n’ont pas encore été annoncés, évidemment. Je contribue régulièrement à Di6dent et Casus belli (quand j’ai le temps, surtout) ».

Contactés par la rédaction de Scifi-Universe, ils ont accepté de répondre à quelques questions sur leur dernier né et sur le genre Super-Héros en règle générale. C'est cet entretien que vous pouvez aujourd'hui lire !

 

« L’univers Hexagon est en effet l’héritier direct du "lugverse", c’est à dire de ces bande-dessinées au format pocket ou magazine qu’éditait Lug en parallèle des traductions des comics Marvel durant les années 60 à 80 »

 

SFU : Après La Brigade Chimérique, Hexagon Universe est le deuxième jeu de super-héros sur lequel vous vous retrouvez. Mais quand on regarde vos carrières et vos projets solo, on voit bien que la thématique du super-héros y revient régulièrement. Qu'est ce qui vous plait dans ce genre particulier ?

Romain d'Huissier : J’aime le jeu de rôle car il permet de jouer des héros, des gens plus grands que nature amenés à jouer un rôle déterminant dans le destin du monde. En tout cas, c’est ce qui me plaît – je suis par exemple totalement hermétique à L'appel de Cthulhu et ses personnages lambda condamnés à mourir fous sans rien changer. C’est donc tout naturellement que je suis attiré par des univers permettant de mettre en scène de tels personnages. Donc les super-héros, bien sûr. Mais au final, tous les archétypes héroïques des diverses cultures populaires du monde entier tendent vers ça : du catcheur masqué mexicain luttant contre les momies martiennes au jeune protagoniste de manga que sa quête va amener à découvrir les secrets de l’univers, en passant par les chevaliers vertueux de la Chine antique qui mettent à bas une dynastie inique de par leurs exploits. Tous sont des héros proactifs, destinés à changer de leurs mains le monde qui les entoure. C’est donc tout naturellement que j’inscris mes propres créations rôlistiques dans ce courant – le but étant chaque fois de proposer aux joueurs d’interpréter des personnages marquants ayant un impact sur les évènements, acteurs de leur destin et donc du background.

Laurent Devernay : Exactement pareil que mon camarade : le jeu de rôle est l’occasion de jouer des personnages "bigger than life", alors autant en profiter. En plus, l’univers Hexagon et les univers de super-héros en général proposent généralement des ambiances très variées (cosmique, pulp, urbain, etc.). C’est donc une excellente opportunité pour proposer un jeu qui touchera d’un seul coup à plusieurs marottes de ses auteurs. Un homme de la jungle qui aide à repousser une invasion de robots du futur pendant que les personnages se lancent à la poursuite d’un sorcier atlante? C’est possible ! La preuve : on l’a fait dans un supplément à venir.

 

SFU : Comment est né le projet de jeu de rôle Hexagon Universe ?

Romain d'Huissier : J’ai commencé à travailler sur l’univers Hexagon en 2011, à l’occasion de l’anthologie Dimension Super-héros que Jean-Marc Lofficier nous avait demandé de diriger, à mon ami Julien Heylbroeck et moi. Passionné de super-héros depuis l’enfance, j’ai alors découvert un tout nouveau terrain de jeu que je ne connaissais quasiment pas malgré son âge vénérable ! J’ai dévoré les omnibus regroupant les aventures "vintage" de ces personnages et lu avec un grand plaisir le relaunch plus moderne qui dépoussière ces super-héros et les fait coexister dans un univers partagé semblable à ceux de DC ou Marvel. Bénéficiant de la confiance de Jean-Marc Lofficier (qui officie plus ou moins comme éditeur en chef de cette franchise), j’ai pu alors m’y investir de façon plus approfondie : par exemple en dirigeant un second opus de Dimension Super-héros ou en écrivant deux romans prenant place dans cet univers (Matière noire et la Guerre des Immortels). De là, il m’a semblé naturel de penser à un jeu de rôle, qui allait permettre non seulement de faire connaître l’univers Hexagon à un tout nouveau public mais aussi de dresser une sorte d’encyclopédie de ces personnages et des concepts associés. Les contacts entre Jean-Marc Lofficier et Les XII Singes se sont bien passés et ont permis la mise en route du projet !

Laurent Devernay : Comme souvent, Romain a été happé par une nouvelle bande-dessinée et m’a entraîné avec lui. Le temps que je commence à lire tout ça, il avait besoin de moi pour l’adaptation en jeu. Et comme d’habitude, je n’ai pas pu lui dire non. Je ne peux rien refuser à son adorable frimousse. Encore moins quand ça touche aux super-héros.

 

SFU : Qu'est ce qui vous a attiré dans cet univers ?

Romain d'Huissier : Outre le fait d’avoir un nouvel univers de super-héros à explorer, j’ai surtout grandement apprécié le fait qu’il s’agisse également d’une licence française (disons franco-italienne). L’univers Hexagon est en effet l’héritier direct du "lugverse", c’est à dire de ces bande-dessinées au format pocket ou magazine qu’éditait Lug en parallèle des traductions des comics Marvel durant les années 60 à 80. Ces personnages sont un héritage, un pan de notre culture populaire qui risquait de sombrer dans l’oubli sans le travail titanesque de Jean-Marc Lofficier. Car non seulement il préside à la renaissance de ces super-héros – en supervisant comic-books et romans les mettant à scène dans un contexte modernisé – mais il compile méticuleusement les vieilles bande-dessinées et les publie dans de gros omnibus chez Rivière blanche. L’univers Hexagon est une franchise qui a plus de cinquante ans à présent ! C’est assez émouvant de la voir plus vivace que jamais grâce aux nombreux projets qui y sont associés – dont le jeu de rôle Hexagon Universe.

Laurent Devernay : Pour moi, l’un des principaux intérêts de cet univers est d’être facile à aborder. La démarche d’archiviste de Jean-Marc Lofficier permet de disposer d’ouvrages compilant les principales histoires dans un ordre cohérent. On est donc bien loin des mastodontes comme Marvel et DC qui ont vite fait de décourager les nouveaux venus. C’est d’autant plus louable que l’univers Hexagon n’a pas à rougir niveau longévité. Il a certes un petit côté vintage qui pourrait rebuter certains mais la relance de séries dans cet univers utilise des approches beaucoup plus modernes sans pour autant trahir ce qui fait tout son intérêt. Ça reste un univers foisonnant avec un côté "à l’ancienne" qui change agréablement du "sombre à tout prix" qu’on peut trouver chez la plupart des autres éditeurs de comics. C’est également le meilleur moyen d’avoir des histoires parfois situées en Europe voire en France sans clichés ou usage approximatif de la langue.

 

« Ce côté patrimonial est pour moi fondamental car ce sont là les racines de toute une culture. Le merveilleux-scientifique est quasiment tombé dans l’oubli alors que ce genre a bouleversé la littérature en allant toujours plus loin dans la science-fiction » 

 

SFU : Cette dimension patrimoniale semble importante pour vous, dans Hexagon Universe comme dans La Brigade Chimérique. Pourquoi ?

Romain d'Huissier : Je suis un passionné de super-héros. J’ai littéralement appris à lire avec un Special Strange – celui de la mort du Phénix noir. Enfant, j’ai dévoré tout ce que Lug pouvait sortir, je fouillais les bouquinistes pour trouver de vieux Aredit / Artima, etc. Mais arrive ce moment où l’on se rend compte que toute cette culture est très américaine et on en vient à se demander : pourquoi n’y a-t-il pas de super-héros français – surtout, pourquoi n’y a-t-il pas de super-héros créé par les français et assumés comme tels (rappelons que pour Mikros et Photonik, les auteurs avaient pris des pseudos anglo-saxons afin que le lecteur n’ait pas un mauvais a priori). Et puis on intègre cette donnée et on se dit que c’est comme ça, tant pis. Même si sous la surface, ça gratte encore un peu.

Là, je tombe sur le tome 1 de La Brigade chimérique. Je ne connaissais aucun des personnages mis en scène : le Nyctalope ? Félifax ? Jamais entendu parler et pourtant… pourtant, je ressens un sentiment étrange, j’ai l’impression de retrouver quelque chose de familier. Je creuse, je cherche et je découvre : j’entrouvre la malle aux trésors du merveilleux-scientifique que Serge Lehman, Fabrice Colin et Stéphane Gess ont sorti du grenier. Je me rends compte que j’ai un héritage de surhommes et de récits de science-fiction. Mieux, j’ai l’impression de l’avoir toujours su ! Et je veux que tout le monde le sache autour de moi : c’est ce qui m’a poussé à lancer le jeu de rôle de La Brigade Chimérique – et l’incroyable aisance avec laquelle tout s’est goupillé comme il fallait sur ce projet était comme un signe du destin. Il y a une sorte de joie fondamentale à savoir que ma culture, mon pays ont produit ces personnages et ces histoires et qu’on peut à présent les assumer, se les réapproprier, les utiliser comme le terreau fertile d’un renouvellement.

Et puis je rencontre Jean-Marc Lofficier et il m’ouvre une nouvelle malle aux trésors : celle des vieilles bande-dessinées Lug et de ces super-héros créés par des français et des italiens dans les années 60 / 70 ! Si certes je connaissais des personnages comme Mikros et Photonik déjà évoqués, leurs prédécesseurs m’étaient parfaitement inconnus. Un nouveau vivier à explorer… Certes, l’effet était un peu différent d’avec La Brigade chimérique : les héros Lug étaient largement inspirés de leurs modèles américains, c’était du pastiche "à la façon de" mais tout de même… On pouvait sentir un ton différent, une sensibilité plus européenne. Wampus, Zembla, la Brigade temporelle… Ils avaient une vraie identité. Et de toute façon, imitation ou pas, les personnages créés par Lug étaient un pan de notre culture aussi : les pockets en noir & blanc qu’on trouvait dans les maisons de la presse ou les gares, les magazines de bande-dessinées qui faisaient de leur mieux pour échapper aux yeux de la censure, etc. Et pour moi, c’est précieux. Je salue la volonté de Jean-Marc Lofficier de faire perdurer cette culture populaire et de la prolonger avec l’univers Hexagon – car elle doit rester vivante et j’espère y contribuer à ma modeste mesure, notamment via le jeu de rôle Hexagon Universe.

Et plus globalement, mon intérêt pour la dimension "patrimoniale" de ces univers s’imbrique dans ma passion pour la culture populaire de façon générale. Tous mes jeux – et même mes romans – s’inscrivent là-dedans : que ce soit les récits de chevalerie chinoise (avec Qin ou mes fascicules chez Le Carnoplaste), les mangas (avec Devâstra), les catcheurs masqués mexicains (avec Luchadores), etc. On peut trouver ça désuet et même kitsch mais c’est pour moi l’essence même de la mythologie – la suite logique des légendes antiques.

Laurent Devernay : Ce côté patrimonial est pour moi fondamental car ce sont là les racines de toute une culture. Le merveilleux-scientifique est quasiment tombé dans l’oubli alors que ce genre a bouleversé la littérature en allant toujours plus loin dans la science-fiction (quitte à aller parfois trop loin, même). Il y a un charme certain dans la plupart de ces ouvrages, une forme de naïveté qui permet de mettre en scène des trouvailles extraordinaires s’appuyant sur les découvertes scientifiques de l’époque. Avant Godzilla et l’énergie atomique, il y avait les surhommes issus du radium. La Brigade chimérique va plus loin encore en s’appuyant là-dessus afin d’explorer les tensions politiques de l’Europe des années 30. En se développant ainsi selon deux axes très riches, le lecteur redécouvre une époque non seulement sous ses aspects historiques mais aussi via sa culture.

L’univers Hexagon est un juste retour des choses et presque une suite logique à La Brigade chimérique. Là où cette dernière montrait l’Europe comme bouillon originel de la culture super-héroïque américaine, la franchise Hexagon se réapproprie celle-ci en y injectant ses propres valeurs. Alors que les comics penchent vers des histoires sombres et des héros torturés, ces personnages français reviennent à un certain manichéisme qui a le mérite d’être rafraîchissant. C’est également l’occasion de découvrir des protagonistes européens ainsi que des lieux européens qui ne sont pas passés à travers le prisme américain.

Dans un cas comme dans l’autre, il serait dommage de renier cet héritage tant celui-ci est riche et inspirant. Je reste un gros consommateur de comics et de mangas mais, au même titre que les fumetti, les bandes-dessinées françaises ne sont pas en reste pour exposer notre culture et les spécificités de celle-ci.

 

SFU : Qu'est ce qu'Hexagon Universe propose de nouveau par rapport à d'autres jeux de rôle de super-héros qui sont sur le marché ?

Romain d'Huissier : Ce que je trouve justement intéressant, c’est qu’il ne cherche pas à proposer quelque chose de "nouveau". L’univers Hexagon est très mainstream dans son approche et malgré ses spécificités et la sensibilité plus européenne de ses histoires, il est très comparable à DC ou Marvel – en termes de personnages, d’aventures possibles, etc. Ce qu’il apporte avant tout, c’est bel et bien l’adaptation d’un univers vieux de cinquante ans et possédant donc une histoire solide, un vécu, une cohérence – tout en s’ancrant dans un courant très classique de super-héros afin de séduire les amateurs de Marvel ou DC. La différence avec Icons (qui propose avant tout un système sans univers derrière) tient notamment dans la présence de ce background, bien plus "américain" que celui de La Brigade Chimérique – qui envisageait la problématique du super-héros via un twist particulier et dans un contexte très spécifique. Hexagon Universe est actuellement le seul jeu de rôle de super-héros du marché français à proposer cette approche classique à même d’intéresser les fans de comics ou de films désormais très à la mode.

Laurent Devernay : Hexagon Universe a l’avantage de s’appuyer sur nos expériences respectives. Depuis quelques temps, les jeux de rôle de super-héros déboulent en masse. Même en France, alors que cela aurait paru plutôt improbable avant Humanydyne (l’un des pionniers qui a marqué beaucoup de jalons pour ses successeurs). Hexagon Universe a pour moi des thématiques résolument plus optimistes que celles de La Brigade Chimérique. On y joue quand même des agents dont le boulot est de sauver le monde et qui risquent bien de le faire régulièrement. Les quelques pointes de narrativisme (non, ce n’est pas sale) du système sont idéales pour ce type d’histoires afin de donner de l’épaisseur aux personnages. De plus, les combats sont abordés avec un certain formalisme visant à les rendre particulièrement graphiques voire cinématographiques.

 

SFU : Parlons un peu du système de jeu d’Hexagon Universe. Quelle a été votre optique de travail à ce niveau ?

Romain d'Huissier : J’avoue que j’avais été très favorablement impressionné par le système de Marvel Heroic Roleplaying – notamment par l’ablation de tout le gras inutile au genre super-héros (comme des caractéristiques : soit tu es super-fort, soit tu es normal et à l’échelle où l’on joue, on ne fait pas de différence entre un gringalet et un sportif du dimanche). J’ai voulu qu’on retrouve cette épure et qu’on se concentre sur l’essentiel : qu’est ce qui définit un super-héros ? Des pouvoirs bien sûr, mais aussi son héroïsme inné, les motivations qui le poussent à agir, ses liens avec ses coéquipiers ou son entourage civil, etc.

Et puis il fallait des dés. Beaucoup de dés. Je sais que pas mal de joueurs utilisent l’expression péjorative "brouette de dés" mais pour moi, on pouvait transcrire la puissance des super-héros via une bonne grosse poignée à lancer – il y a un effet à la fois physique et psychologique, je trouve. En découlait un système de combat qui permet de vrais choix tactiques (l’action en groupe notamment) et la possibilité d’agir sur l’environnement – sans complexifier à l’excès. Il fallait aussi que tout cela reste souple et ouvert à la narration. Les joueurs peuvent combiner les Traits de leurs personnages de toute les manières pertinentes du moment qu’ils expliquent comment cela se traduit en décrivant. C’est aussi pour cela qu’il n’y a pas de liste de pouvoirs mais une création assez libre – encadré de grandes familles tout de même.

Laurent Devernay : L’ambition pour moi était de pousser plus loin encore que certains systèmes pour montrer que l’on peut jouer des super-héros sans verser dans les listes interminables et les systèmes simulationnistes à l’extrême. Le parti-pris pour les personnages étant très marqué (ce sont forcément des agents du CLASH), il paraissait nécessaire de mettre l’accent sur ce qui les différencie des autres héros : les motivations mais aussi leur quartier-général. Pour le reste, ce sont des super-héros et, en tant que tels, il n’est pas besoin de décrire chacun de leurs traits et compétences mais uniquement ceux qui sortent de l’ordinaire. On ne s’intéresse pas à tout ce que sait faire le héros (peu importe qu’il sache nager) mais à ce qui fait de lui un super-héros. En rajoutant à cela la logique « un pouvoir = un effet », la création reste très intuitive malgré son côté freeform.

 

« Nous espérons que le jeu plaira suffisamment pour pouvoir offrir une gamme étendue qui fasse référence dans le genre ! » 

 

SFU : Pour vous, l’esprit "super-héros" passe-t-il d’abord par un univers, un système de jeu ou des scénarios ? Interdiction de dire les trois, bien entendu !

Romain d'Huissier : Et pourtant… En fait, cela passe par la proposition ludique et celle-ci est obligatoirement un tout. L’univers Hexagon est par exemple très marqué silver age : c'est-à-dire que les super-héros travaillent du bon côté, que leurs adversaires sont du mauvais côté et même si on ne fait pas l’impasse sur la complexité du monde, on est certain de jouer les gentils. Cet aspect doit être retranscrit dans la présentation du background (en faisant travailler les personnages pour le CLASH, une organisation de défense de la Terre, par exemple) mais aussi dans les règles (permettant de véritables exploits surhumains : on sauve le monde, après tout !). Et là-dessus, les scénarios se doivent de présenter des enjeux à la hauteur : quand on bosse pour le CLASH, on ne sauve pas des chatons coincés dans des arbres – dans la campagne Apocalypse, le but est d’empêcher une troisième guerre mondiale ! En résumé, une fois qu’on a cerné l’esprit que l’on veut faire passer, on réfléchit à la façon dont on le concrétise dans le jeu – et donc, en écrivant le background, le système, les aventures à joueur, etc. C’est en tout cas comme cela que nous avons conçu Hexagon Universe.

Laurent Devernay : L’esprit "super-héros" ne passe par aucun de ces éléments. Vous pouvez tout à fait garder le système proposé pour jouer les membres d’une confédération de peuples aliens engagés dans une guerre galactique. Vous pouvez très bien conserver l’univers présenté pour jouer des journalistes couvrant les actes terroristes à un niveau plus humain. Rien ne vous empêche d’adapter les scénarios pour jouer des criminels visant à déjouer les plans de leurs concurrents.

Pourtant, le tout s’agence pour retranscrire cet esprit. Tout simplement parce que l’ensemble est lié par une intention et une volonté de créer un jeu cohérent dans une optique précise (jouer des super-héros travaillant pour le CLASH afin de déjouer des menaces terroristes de niveau international). L’univers est riche en super-héros mais rien ne nous oblige à les interpréter. Pourtant le système permet cela, tout en visant le dynamisme et la simplicité. De l’interaction entre le système, l’univers et l’intention naît le type de scénario que l’on va faire jouer. La description des scènes de combat y est conçue en rapport avec le système. Les antagonistes et lieux sont le plus souvent directement issus de l’univers. Bref, les trois contribuent à retranscrire cet esprit mais ne suffisent pas pour y parvenir. Encore faut-il savoir où l’on va et ce que l’on veut faire.

 

SFU : Comment envisagez-vous l'avenir de la gamme ?

Romain d'Huissier : Nous allons poursuivre dans la même direction. C’est à dire des suppléments "encyclopédiques" qui passent en revue diverses facettes de cet univers (le cosmique, les aventures pulp, la magie…) et qui ne nécessitent pas d’être tous achetés : le meneur de jeu peut trier selon ce qui l’intéresse et n’acquérir que les extensions traitant de ce qu’il compte utiliser. Et également des mini-campagnes ou recueils de scénarios en parallèle, afin de donner de la matière à jouer. Nous espérons que le jeu plaira suffisamment pour pouvoir offrir une gamme étendue qui fasse référence dans le genre !

Laurent Devernay : Les XII Singes nous offrent l’opportunité de proposer une gamme très fournie et nous ne nous en privons pas. L’idée est de conserver l’approche encyclopédique pour détailler chaque aspect de cet univers via un découpage thématique. Ceci donne en quelque sorte un jeu "à la carte" que chaque meneur de jeu pourra aborder avec l’angle qu’il préfère sans pour autant tout acheter. C’est également l’occasion, quand c’est possible, de proposer des aventures très différentes. Nous avons même eu la chance de pouvoir proposer un supplément entièrement consacré à une campagne. J’espère qu’on aura le temps de renouveler cette expérience.

 

SFU : L'expérience La Brigade Chimérique vous a-t-elle aidé pour concevoir Hexagon Universe ?

Romain d'Huissier : Bien sûr, simplement du fait qu’il s’agit dans les deux cas d’adaptations de matériels pré-existants et avec les ayant-droits desquels il fallait travailler main dans la main. La démarche était donc assez identique : proposer un jeu de rôle permettant de jouer dans ces univers et développer ceux-ci au-delà de ce que l’on pouvait en voir dans les bande-dessinées – le tout en respectant l’esprit de l’œuvre de base, en l’enrichissant même au besoin. Après bien sûr, l’univers Hexagon n’est pas l’Europe chimérique (que ce soit en termes de background, de thématiques abordées, de style de jeu voulu…) et il a fallu faire un travail spécifique – notamment en matière de gamedesign – pour qu’Hexagon Universe corresponde pleinement à la proposition ludique que nous avions en tête et qui était très éloignée de celle de La Brigade Chimérique.

Laurent Devernay : Évidemment, c’est même tout notre parcours qui a permis de créer ce jeu. Avoir pas mal pratiqué voire créé des jeux de ce genre a permis de dégager ce qui pourrait être utile pour cet univers spécifique. Avec La Brigade Chimérique, nous avions déjà pu nous essayer à la conception d’un jeu adapté d’un univers de super-héros "à la française". Travailler sur Hexagon Universe a donc été d’autant plus facile. La principale difficulté est que l’univers Hexagon est beaucoup plus étoffé en termes de publications. Même si je suis très loin d’avoir tout lu, j’ai pu compter sur les connaissances quasi-encyclopédiques de Romain.

 

SFU : Juste par curiosité, pourquoi avoir mis fin à la gamme de La Brigade Chimérique ?

Romain d'Huissier : Car la gamme est complète ! Le livre de base était déjà très fourni, offrant une véritable encyclopédie du monde de la bande-dessinée, toutes les règles nécessaires pour y jouer et même une campagne. Outre le classique écran de jeu, nous avons également proposé un supplément riche en contenu ludique (de nombreux scénarios et aides de jeu) afin d’aider le meneur de jeu à comprendre comment s’emparer de cet univers particulier – dans une optique boîte à outils. Enfin, nous avons conclu par une campagne de grande envergure (La Grande Nuit) qui offre une aventure des plus épiques mettant à profit tout ce que nous avions développé au préalable.

En écrire plus n’aurait été que du délayage et nous ne souhaitions pas tirer à la ligne. La Brigade Chimérique est une gamme finie (au sens autocontenue) à même d’offrir déjà plusieurs années de jeu – et probablement le travail dont je suis le plus fier jusqu’à présent. Et s’il reste des choses à dire sur cet univers par essence inépuisable, alors je pense que les auteurs de la bande-dessinée originelle s’en chargeront très bien eux-mêmes ! (ce qui est déjà le cas avec L'Homme Truqué ou les Aventures du Nyctalope – ou même Masqué qui est presque une suite officieuse)

Laurent Devernay : Exactement ! Nous avons déjà eu la chance de pouvoir proposer une gamme solide, étoffée par du matériel additionnel disponible sur le net (La Gazette du Surhomme) et dans les revues de la presse rôliste. Pour les meneurs de jeu à qui ça ne suffirait pas, les auteurs de la bande-dessinée prolongent effectivement l’aventure. Il reste également à lire les nombreuses œuvres liées au genre merveilleux-scientifique et sans nul doute des événements historiques étonnant à utiliser.

 

La question pour conclure : quel est, pour vous, le meilleur jeu de rôle de Super-Héros ?

Romain d'Huissier : Bon, je vais exclure d’emblée ceux auxquels j’ai participé déjà – soyons modeste ! Comme je l’ai dit plus haut, Marvel Heroic Roleplaying m’a beaucoup impressionné. Original et bien pensé, c’était une petite claque dans le genre – même s’il n’est pas exempt de lourdeurs et pèche par l’absence d’un système de création de personnages. C’est par contre dingue que même avec une telle licence, le jeu n’ait pas réussi à être rentable… Ayant-droit trop gourmand ou ventes insuffisantes ? Dans tous les cas, c’est une perte.

Et bien sûr, mon coup de cœur quasi permanent en la matière : Humanydyne, du génial Willy Favre. Un jeu qui avait quasiment huit ans d’avance sur la mode : il serait sorti tel quel de nos jours, avec son système freeform, il aurait été acclamé de par son audace et son utilisation d’éléments narrativistes avant l’heure. Je rêve d’une deuxième édition avec un beau gros livre de base et la campagne enfin complète en supplément – Willy, si tu me lis… Et puis, c’est sur ce jeu que j’ai repéré un certain Laurent Devernay, fan de comics à ce qu’on  m’a dit.

Laurent Devernay : Je vais faire le faux modeste en commençant par citer Superclique : un jeu de super-héros bourré de bonnes idées. Très simple, mettant l’accent sur la narration et surtout présenté sous la forme d’une bande-dessinée.

Mais mon vrai coup de cœur reste Humanydyne. J’avais eu la chance de lire l’une des premières versions du jeu. Je dois même encore l’avoir quelque part. Les jeux français de super-héros ne couraient pas les rues à l’époque et celui-ci se payait en plus le luxe de proposer un système véritablement innovant qui reste pour moi un vrai jalon dans le genre. Quand Willy Favre m’a proposé d’écrire Wonderlondres, il m’était impossible de refuser. J’ai même encore un supplément non-publié sur la mangrove (et les illustrations qui vont avec) qui traînent sur mon ordinateur. D’ailleurs, histoire de glisser du copinage éhonté à l’auto promotion, je propose pas mal de matériel pour ce jeu sur mon site.

 

Pour en savoir plus sur le jeu :

L'univers Hexagon sur SFU

Le site officiel des XII Singes

Le blog de Romain d'Huissier

Le site de Laurent Devernay

Le site officiel de Rivière Blanche

Auteur : Vincent L.
Publié le jeudi 26 juin 2014 à 09h00

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